Bienvenue sur le site de Jean Caille
   (1913-2016)

Dédié à tous les prisonniers de guerre 

 

Mon père et moi

Si vous avez lu ce qui précède et plus encore le livre, vous ne pouvez ignorer l’affection que j’éprouvais pour cet homme qui m’a adoptée et élevée comme si j’étais son enfant

naturelle. Et bien que j’ai eu la chance d’avoir eu de longues années pour me préparer à son départ, je suis parfois étonnée de constater à quel point son absence me pèse. Heureusement, pour le faire revivre, j’ai juste à faire marcher la boîte à souvenirs.

Que dire sinon qu’il était un père aimant qui ressentait constamment le besoin - notamment dans les dernières années de sa vie - de me rappeler à quel point j’étais importante pour lui et combien il m’avait toujours beaucoup aimée. Mais de cela, je n’en avais jamais douté.

Il avait 53 ans lorsque je suis née ; j’étais donc la petite dernière. Comme mes deux parents travaillaient, ils avaient pris à leur service Mme Amis qui s’était déjà occupée des enfants  Jeannette et surtout de leur fils Michel (12 ans à ma naissance). Elle vivait chez nous. C’était la femme de l’ancien patron de mon père qui possédait l’entreprise de transports qu’il avait racheté à Flers ; une femme admirable et bienveillante qui nous a aimés comme si nous étions ses propres enfants. Nous l’aimions, nous aussi, comme une mère, et bien qu’elle soit décédée depuis plus de 30 ans maintenant, nous pensons à elle encore bien souvent.

A l’époque, les pères laissaient bien souvent aux mères le soin de s’occuper de leurs petits. Pourtant, mon père, lui, me prenait très souvent dans ses bras lorsque j’étais un bébé et, à peine plus grande, il m’emmenait partout avec lui.

                                      La Tremblade                                                                                                                                             La tranche sur Mer

                                       juillet 1968                                                                                                                                                       Juillet 1969

Je n’ai jamais manqué de vacances : que ce soit à la Tremblade ou à la Tranche sur mer,

    Merlin en Vendée                                                                                            

                                                                                                                                                                                     Papa, Michel et moi

 

Puis mes parents ont acheté un appartement à Merlin-plage à quelques kilomètres de Saint Jean de Mont en Vendée. J’y ai passé des vacances formidables jusqu’à mes 12 ans. Mon père aimait rouler de nuit et je me souviens l’exaltation qui était la mienne la veille du départ. Ma mère n’avait pas besoin de me réveiller ces nuits-là, les yeux grand ouverts, dans le noir, j’attendais avec impatience d’entendre la sonnerie de leur réveil résonner ! Pour le plus grand plaisir de tous, une bonne partie de la famille nous y rejoignait tous les étés. Nous étions nombreux. C’était la fête ! Je me souviens de toutes nos parties de pêche aux crevettes ou aux pignons qui, dans ma mémoire, restent de véritables moments de bonheur partagés.

A Ivry sur Seine avec ma tante Françoise, mon oncle Claude et leur fils Sébastien

 

Je passais beaucoup de temps sur ses genoux à me faire câliner ou à lire. Il gardait tous mes dessins qu’il se faisait toujours un plaisir de commenter. Nous n'étions pas très riches à l'époque, mais j'étais heureuse. Nous habitions dans un HLM à Ivry-sur-Seine, situé juste devant mon école.


Que mon père travaille chez Saint-Raphaël, quel bonheur ! J’aimais, à l’occasion, l’accompagner à son travail. Il était fier de me présenter à ses collègues. Il était ami avec Félix, le cuistot attitré de la boîte, et nous ramenait souvent le rab de toasts délicieux qui n’avaient pas été mangés lors des réceptions (que dis-je « les orgies ») régulières que l’entreprise organisait et qui rassemblaient un panel impressionnant d’artistes, de politiques et autres personnalités en tous genres. Mais j’ai aussi le souvenir des Noëls grandioses offerts par l'entreprise  aux enfants du personnel. Elle ne lésinait pas sur les moyens ! Chaque année, c’était un buffet/spectacle impressionnant en plein cœur de Paris pour les heureux chanceux qui, accompagnés de leurs parents, recevaient en prime des cadeaux somptueux. J’ignore si de tels comités d’entreprise existent encore dans le privé à ce jour… Même le grand Servier chez lequel ma mère travaillait à l’époque était très loin de faire aussi bien ! Et c'était sans compter la publicité St Raphaël : j'ai encore,  45 ans plus tard, des jeux de cartes sous blister !

A l'un des spectacles de Noël organisé par la société St Raphaël.

J’avais moins de 10 ans quand Mme Amis est allée vivre chez sa sœur, laissant le soin à mon père, dorénavant en retraite, de s’occuper de moi au quotidien. J’ai passé encore plus de temps avec lui. C'était un père prévenant et bienveillant. Ma mère était moins commode et combien de fois papa a couvert mes petites bêtises d’école (en signant les mots à sa place, par exemple). Le seul problème, c’est qu’il était déjà vieux pour moi qui était si jeune, et je redoutais à chaque instant qu’il ne meure. J’ai conjuré le sort en oubliant volontairement son âge pendant de nombreuses années : ainsi il ne vieillissait pas. Lorsque nous habitions à Dourdan, je le voyais très souvent lire, allongé dans son lit, quand il ne faisait pas les courses ou ne s’occupait pas des repas. Il me parlait de ses lectures (toujours des livres de guerre). C’était son refuge, une déconnexion avec le présent qui lui permettait de revivre sans cesse son passé. Il a lu autant de livres à lui tout seul que ma mère a tricoté de kilomètres de laine ! J’aimais l’accompagner dans son grand jardin et dans les bois à la saison des champignons. Je le suivais parfois avec mon petit vélo et j’ai, moi aussi, eu l’occasion de grimper la côte de Dourdan ! Enfin, rien qu’une fois, parce que j’ai vite compris ma douleur !

Nous étions heureux dans notre grande maison à Dourdan ; j'aurais  voulu ne jamais quitter cet endroit…

Comme pendant mon enfance, adulte, j’ai écouté des heures durant toutes ses histoires. J’espère lui avoir assez dit que je l’aimais. Même si j’allais voir mes parents assez souvent lorsqu’ils étaient en maison de retraite et que, lors de mes passages à Figeac, j’ai toujours essayé d’améliorer leur quotidien, j’avoue que j’aurai pu faire encore plus d’efforts de présence dans les dernières années. J’aurai aussi pu téléphoner à mon père encore plus souvent, lui donner un peu plus de détails sur mon quotidien… Ce qu’il vivait était si totalement en décalage avec ma vie qu’il m’arrivait parfois de ne pas savoir quoi lui raconter, et même de manquer de patience devant quelques-unes de ses observations. De plus, s’il a été un excellent père, je ne peux que regretter qu’il n’ait pas ressenti le besoin de créer de liens forts avec mes enfants, et ce, bien que personne ne lui en ai jamais fait le reproche.


Pourquoi est-ce toujours lorsque l’on perd un proche que l’on se fait ce genre de remarques ?

   

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